Forme des ouïes et sonorité du violon
L’importance de la forme des ouïes dans la sonorité d’un violon
La plupart des violons réputés comme les plus importants de l’histoire de la lutherie ont été fabriqués par Amati, Stradivari et Guarneri, des familles de luthier qui ont vécu et travaillé au cours des 17ème et 18ème siècles. Ces instruments valent aujourd’hui des millions et forment l’âge d’or de la lutherie.
Une étude récente d’acousticiens du MIT, Etats-Unis et de luthiers de l’école de Boston a analysé les mesures de centaines de violons de l’âge d’or et identifié les caractéristiques clés qui contribuent à la puissance particulière de ces violons ou à leur plénitude sonore.
Les mesures analysées ont été acquises à partir de dessins techniques détenus par les musées ou à partir de mesures précises des instruments.
Les chercheurs ont établi que l’une des caractéristiques clés de la sonorité est l’ouïe, l’ouverture en forme de “f” présente sur la table du violon, par laquelle le son est émis. Les résultats indiquent que plus elles sont allongées et plus la sonorité du violon est puissante. Par ailleurs, la forme allongée de l’ouïe s’est révélée plus efficace pour la qualité de la sonorité que les ouvertures arrondies présentes sur les ancêtres du violon, comme les lyres ou rebecs.
L’épaisseur du fond contribue également à la puissance de l’instrument. Les violons taillés dans le bois sont relativement élastiques: lorsque l’instrument produit une sonorité, la caisse de résonance du violon peut ainsi répondre aux vibrations de l’air par des contractions et expansions. D’après les chercheurs, un fond devenu plus épais aurait favorisé la sonorité du violon.
Par ailleurs, l’étude montre que selon un ordre chronologique les luthiers Amati, puis Stradivari et finalement Guarneri, ont fabriqué des instruments qui ont évolué peu à peu vers des ouïes plus allongées et des fonds plus épais.
La question qui se pose alors est la suivante: ces changements de conception furent-ils intentionnels? Pour y répondre, les chercheurs ont travaillé sur les échantillons et mis au point un modèle d’évolution pour déterminer si ces changements pouvaient avoir eu lieu de manière naturelle ou, dans ce cas, par accident.
“Nous avons découvert que si vous essayez de répliquer une ouïe exactement, à partir de la dernière que vous avez faite, vous ferez toujours une petite erreur” affirme Nicholas Makris, professeur du MIT. “Vous effectuez une découpe à l’aide d’un couteau dans un bois fin et il est impossible de le faire de manière parfaite, l’erreur que nous trouvons est de 2%… Selon Makris qui ne questionne pas l’oreille des luthiers et leur capacité à reconnaître les violons aux meilleures sonorités pour pouvoir les répliquer, la raison de l’évolution des éléments qui ont effectivement évolué sur les instruments reste incertaine et il attribue volontiers l’évolution de la forme des ouïes au hasard.
La puissance du violon serait liée à la forme des ouïes
L’équipe de chercheurs compare également, pendant 7 ans, la dynamique acoustique des instruments à cordes à travers le temps, sur la période du Xe au XVIIIe siècle, depuis l’aoud, le luth, les violes, les guitares, jusqu’au violon.
Le résultat est flagrant, l’air circule beaucoup mieux à la périphérie des ouvertures qu’en leur centre et le fait que ces centres soient partiellement recouverts n’affecte pas la circulation de l’air de manière significative.
Tout au long de la période étudiée de 800 ans, les chercheurs constatent une évolution de la forme des ouïes, d’un simple cercle à un demi-cercle, à une forme de “C” qui a force de s’allonger devient le “f” caractéristique du violon et des instruments du quatuor. Le périmètre de ces formes augmente invariablement, alors que son aire diminue. La forme des ouïes a évolué lentement pour procurer plus de puissance et d’efficacité à la sonorité du violon.